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[art saves life]*

Gabriel Orozco, le nomade éclairé

31 Juillet 2014, 22:57pm

Publié par Julie Sem

"L'art consiste simplement à essayer de vivre, de comprendre, de compléter la relation que nous avons avec notre environnement et de se définir par rapport à elle"

L’artiste nous livre depuis plus de 25 ans, une œuvre protéiforme, qui regroupe dessins, sculptures, photographies et installations. Le dénominateur commun à ces productions est la récupérations d’objets urbains, voire industriels trouvés au grès de ses nombreux déplacements. GO est un artiste dont l’atelier est le monde lui-même, la rue, l’espace public.Ses transformations font appel à nos sens et nous enseignent avec un brin d’humour, la tension entre nature et culture.

Poète du hasard

Au fil de ses nombreux voyages, GO capture des moments insolites, comme ce chien endormi qui semble tombé du ciel (Sleeping dog, 1990) ou encore ce toit rempli d’eau qui reflète cet autre toit qu’est le ciel. Dans Juego de Limones (2001), le traditionnel plateau d’un jeu d’échec est assorti à l’ambiance du lieu. Avec Horses running endlessly (1995), il met en scène un autre échiquier et y dispose uniquement des cavaliers, instituant une trajectoire de jeu circulaire. Pour d’autres clichés, il intervient dans le paysage et oriente notre regard sur des éléments précis, comme dans Crazy Tourist (1990) où des étaux de marchés, vides, sont recouverts chacun d’une orange. On perçoit également son goût pour l’absurde teinté d’humour dans Cats and Watermelons (1992) où des boites de conserve avec têtes de chat sont subtilement posées sur des pastèques. Avec un intérêt particulier pour la vie citadine, son architecture et la trace des habitants, l’artiste tisse un lien étroit avec ce qui l’entoure. La skyline de Manhattan est réinterprétée avec des morceaux de bois à l’abandon (Island within a island, 1993). Dans Until you find another yellow Schwalbe (1995), il part à la recherche d’un scooter identique au sien, pour photographier les deux, côte à côte, dans la même direction, de telle sorte que l’objet nous semble n’être plus qu’un.

Sculpteur de l’imaginaire et du sensible

Sensible aux formes organiques comme aux matériaux malléables son œuvre « My hands are my heart » traite de l’espace et du corps , celui entre ses doigts, qu’il inscrit dans l’argile. En résulte une photo, matérialisant sa performance et une sculpture, celle de son empreinte dans une boule d’argile en forme de coeur. Avec Yielding stone (1992) une boule de plasticine, une pâte à modeler noire, récolte tout ce qui est sur son passage, dans les rues de New-York. On y retrouve le concept du déplacement, très présent dans son travail. En 1993, il coupe littéralement en deux une voiture DS et en supprime 1/3, pour la ré-assembler et faire de l’engin un prototype ubuesque aux allures de voiture de course. A travers ce travail, il déconstruit les codes associés à la DS des années 60, l’industrialisation, synonyme de prospérité. Il transforme tout en altérant la fonction intrinsèque de l’objet. Egalement dans Elevator (1994), une cage d’ascenseur est disposée dans l’espace d’exposition, avec son levier, bien qu’elle ne desserve qu’un seul étage. En 1996, il conçoit une table de billard ovale, avec trois boules (Carambole with Pendulum) dont une est suspendue au plafond, il réinvente alors le jeu en y induisant une logique plus complexe. En 2001, alors que les Etats-Unis viennent de subir les événements du 11 septembre, il présente Lintels, une série de rectangles en tissu, provenant de sèches linges et contenant de la poussière, des cheveux et autres particules organiques. Disposés sur des fils de pêche, ces amas sont un écho saisissant au temps qui passe et à la décomposition. Le squelette a également une place de choix dans le travail de GO, son Black Kites (1997), un crâne humain recouvert d’un damier noir et blanc évoque l’ordre si chère à l’homme et le hasard, auquel il est voué. Pour Mobile Matrix (2006), il recouvre un squelette de baleine de dessins minutieux au stylo.

Il adopte une approche plus poétique dans Eyes under Elephant foot (2009) en incrustant dans le tronc d’un arbre, un beaucarnéa, des yeux de verres, rappelant encore la terre, matière-première et matière-monde.

Assembleur du temps qui passe

Plus récemment il a réalisé des assemblages d’objets trouvés dans deux lieux différents, le terrain de jeu du Pier 40 à New-York (Atroturf Constellation, 2012) et une plage du Mexique bordant l’océan pacifique, qui se trouve également être un cimetière de baleine et une friche industrielle (Sandstars, 2012) . Au total, 1200 objets sont rassemblés sur le sol, de l’ordre du microscopique comme des résidus de chewing-gums, des pièces de monnaies, des papiers de bonbons ou encore du macroscopique : bouteilles en verre, casques et bouées… Ces assemblages font face à une douzaine de photographies sur le mur. Les photographies sont un maillage typologique des objets présents au sol, photographiés individuellement sur fond blanc. A la manière d’un projet scientifique, GO met de l’ordre et de la clarté là où il n’y en avait pas. Une attitude qui caractérise aussi les hommes et ce besoin irrépressible de contrer le chaos pour donner du sens et de la lisibilité aux choses. L’œuvre présentée sous le titre d’exposition « Asterisms » est un dialogue entre le macro et le micro, sous la forme d’un répertoire de l’érosion. Faut-il y voir une critique de la civilisation où le processus inéluctable de la matière vers sa disparition ?

L’œuvre de GO a toujours un lien, si infime soit-il, avec la géométrie et la relation entre formes géométriques et formes organiques. Le mouvement et le déplacement sont souvent associés au cercle, comme dans Extension for reflexion (1992) où les traces circulaires d’un vélo à travers deux flaques d’eau. A partir des années 2000, il transcrit ses réflexions au moyen de peintures abstraites, les Samuraï Tree. Ses recherches se rapprochent d’une étude sur la cosmogonie, même si c’est la terre et notre monde quotidien qui est sujet principal de ses œuvres.

GO altère, réinterprète, reconfigure le réel, non pour brouiller les pistes mais pour se concentrer sur l’essentiel, sur l’adaptation voire la survie. Cela n’est possible qu’avec une attention particulière à l’espace qui nous entoure, et dans lequel l’art est si finement disséminé. L’œuvre de GO est une œuvre nomade, à l’image de la vie de son créateur ; nous devenons la culture qui nous entoure, dit-il, fruit du hasard, il nous appartient ensuite de choisir. « Le choix, jour après jour, est le fil conducteur des poèmes ».

 

ENGLISH TEXT

Gabriel Orozco, the enlightened nomad

"Art simply consists to try to live, to understand, to complete the relationship we have with our environment and to define ourselves in relation to it"

The artist gives us since over 25 years, a protean work, which includes drawings, sculptures, photographs and installations. The common denominator of these productions is the recovery of urbans and industrials objects found in his many travels. GO is an artist whose workshop is the world itself, the street and the public space. His transformations appeal our senses and teach us with a bit of humor, the tension between nature and culture.

Poet of chance

Over his many travels, GO captures special moments, like this sleeping dog that seems to fall from heaven (Sleeping Dog, 1990) or this roof filled with water that reflects the other roof, the sky. In Juego de Limones (1990), the traditional set of a chess game goes with the atmosphere of the place. With Horses running endlessly (1995), he staged another checkerboard with the riders only, creating a circular path of play. For other shots, he acts in the landscape and focus our gaze on specific elements, such as Crazy Tourist (1990) where empty market stalls are each covered with an orange. We can see his taste for absurd with humor in Cats and Watermelons (1992) where cans with cat heads are subtly placed on watermelons. With a particular interest in urban life, architecture and traces of inhabitants, the artist weaves a close relationship with its surroundings. The skyline of Manhattan is reinterpreted with pieces of rejected wood (Island Within a island, 1993). In Until you find another yellow Schwalbe (1995), he searchs a scooter similar to his own to photograph both, side by side, in the same direction as it seems that the objects become one.

Sculptor of imaginary and sensitivity

Sensitive to organic forms as malleable materials, his work "My hands are my heart" deals with space and body, the one between his fingers that he enrolled in the clay. The result is a photo, embodying its performance and a sculpture, his mark in a heart-shaped clay ball. Yielding stone (1992), a ball of plasticine, harvest all that is on its way through the streets of New-York. It includes the concept of movement, very present in his work. In 1993, he literally cut in two a DS car and removes 1/3, to re-assemble and make a machine that looks like a funny prototype race car. Through this work he deconstructs the codes of the DS from the sixties, industrialization synonymous with prosperity. He transforms while altering the intrinsic function of the object. Also in Elevator (1994), an elevator shaft is arranged in the exhibition space, with its lever although it is serving only one floor. In 1996, he designed an oval billiard table with three balls (Carom with Pendulum) one is suspended from the ceiling, he reinvents the game by inducing a more complex logic. In 2001, while the U.S. just experienced the events of September 11, he shows Lintels, a series of rectangles of fabrics, from dryer machine and containing dust, hair and other organic particles. Arranged on fishing net, these clusters are a striking echo about the passing of time and decay. The skeleton also has a place in the work of GO, the Black Kites (1997), a human skull covered with a black and white checkerboard pattern evokes the order, important for men and the chance, which is dedicated. In Mobile Matrix (2006) he covers a whale skeleton with pen drawings. He adopts a more poetic approach in Eyes under Elephant Foot (2009) by embedding in the trunk of a tree, a beaucarnea, some eye glasses, still recalling earth, as a raw material and world matter.

Assembler of the passing time

More recently he has made assemblages with objects found in two different places, the playground at Pier 40 in New York (Astroturf Constellation, 2012) and a Mexico beach, bordering the Pacific Ocean, which also happens to be a whale cemetery and brownfield (Sandstars, 2012). A total of 1200 objects gathered on the ground, from microscopic residues as chewing gum, coins, candy wrappers to macroscopic: glass bottles, helmets and buoys ... These assemblies face a dozen photographs on the wall. The photographs are a typological mesh of the objects present on the ground, photographed individually on white background. In the manner of a scientific project, GO brings order and clarity where there was none. This attitude also characterizes men and their urge to counter the chaos, to give meaning and clarity to things. The work presented during the exhibition titled "Asterisms" is a dialogue between the macro and the micro, as a repertoire of erosion. Shall we see here a critique of civilization or the inevitable process of the material to its disappearance?

The work of GO still has a link with geometry and the relationship between geometric and organic shapes. Movement and displacement are often associated with circle as in Extension for reflection (1992) where we see circulars marks from a bicycle across two puddles. From the 2000s, he transcribed his thoughts through abstract paintings in the Samurai Tree’s series. His researches are close to cosmology research, even if it is the earth and our everyday world, which is the main subject of his works.

GO alters, reinterprets, reconfigures the real, not to muddy the waters but to focus on the essential: adaptation or survival. This is possible only when giving special attention to the space surrounding us, and in which, art is so finely disseminated. The work of GO is a mobile work, reflected by the artist's life; we become the culture that surrounds us, he said, by chance, then it is up to us to choose. "The choice, day after day, is the common thread of poems"

Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
Gabriel Orozco, le nomade éclairé
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